Dimanche 13 octobre 2024 — * Albaola construit une réplique du baleinier San Juan, sombré en 1565 * La mémoire des basques saluée par un conteur d’Islande * Recherche : l’Intelligence Artificielle flirte avec la txalaparta.
Albaola termine sa réplique du baleinier San Juan (1563-1565)
Albaola Faktoria Maritime Basque accueille la dernière journée du festival Haizebegi. On y découvre la coque du San Juan à présent quasiment achevée. Elle attend son gréement pour rejoindre la mer afin d’y naviguer, comme son modèle du XVIe siècle. La nef baleinière San Juan, qui avait sombré en 1565 sur les fonds de Red Bay au Canada, était redécouverte en 1978 par des archéologues sous-marins.
La basse température de l’eau et la boue qui recouvrait l’épave ont préservé l’essentiel des éléments qui la composaient, à la grande surprise des archéologues, qui la fouillèrent méticuleusement durant six ans. En 2013, l’ensemble archéologique de Red Bay était désigné Patrimoine de l’Humanité par l’UNESCO. Et Albaola prenait le relais de ces recherches, confiant à ses charpentiers de marine l’édification d’une réplique du San Juan, construit à Passaia en 1563, en utilisant les outils d’époque.
Situé à Pasaia San Pedro au pays Basque espagnol, Albaola est un espace novateur dont la principale activité réside dans la construction d’embarcations historiques, où la technologie maritime artisanale est ravivée et mise en valeur. C’est à ce titre que ce chantier / musée / école internationale de charpenterie de marine / atelier de modélisme naval / lieu ressource ouvert au public, est l’un des quatre partenaires du projet de création du centre culturel basque, “Baskasetur”, à Djupavik.
La mémoire des basques saluée par un conteur d’Islande
Le port de San Pedro à Passaia a vu d’innombrables jeunes hommes basques embarquer sur des baleiniers pour des campagnes de chasse interminables dans les eaux froides de Terre Neuve, du Groenland et de l’Islande. Combien d’entre eux n’en revinrent jamais ? Certains peut-être furent massacrés dans les fjords du Nord-ouest islandais. En leur mémoire, Elfar Logi Hannesson offre une lecture particulièrement vivante du “Récit véridique” du massacre des Basques. Lui et sa femme avaient besoin de voir et sentir la mer sur cette côte basque, avant de retrouver le petit théâtre de 60 places qu’ils gèrent tous les deux dans les Westfjord islandais.
Txalaparta, le projet d’instrument intelligent
La txalaparta est un instrument de percussion basque, constitué de planches de bois, taulak ou oholak, posés horizontalement le plus souvent sur des tréteaux, lesquelles sont frappées verticalement par deux paires de courts bâtons percuteurs, makilak, jouées respectivement par deux musiciens, qui interagissent sans jamais frapper un coup en même temps que l’autre.
En savoir plus sur la txalaparta
Thor Magnusson, principal investigateur de l’Intelligent Instruments Lab en Islande a jeté son dévolu sur la txalaparta en tant qu’outil d’expérimentation avec l’intelligence artificielle (IA). En effet, la txalaparta présente l’avantage de se jouer à deux, l’IA pouvant ainsi constituer le deuxième joueur interagissant avec un joueur humain.
Un travail de collaboration a été initié avec deux musiciens du pays Basque, Ibon RG et Enrike Hurtado, qui se rendent régulièrement en Islande. Des ateliers ont été organisés pour former de jeunes Islandais à la txalaparta. Et Thor Magnusson a imaginé un scénario de fiction développé avec l’aide de Chat GPT.
Ce scénario imagine que des baleiniers basques, venus chasser près des côtes d’Islande, auraient pu fabriquer des txalaparta avec ces billes de bois flottés, en provenance de Sibérie, qui s’amoncellent par milliers au fond des fjords islandais, et qu’ils en auraient joué pour leur plaisir.
Il invente qu’un marin basque frappe sur l’extrémité d’un fût de bois et qu’un autre marin écoute à l’autre extrémité. Si ce dernier n’entend aucun son clair, c’est que le fût est gorgé d’eau, donc inutilisable. Mais s’il résonne comme une planche de txalaparta, il est alors digne d’intérêt. Il y aurait ainsi une relation plausible entre les Basques qui préparent l’huile de baleine sur les plages islandaises et le fait de faire sonner des billes de bois sur les mêmes plages, puis d’en jouer comme de la txalaparta.
Grâce à Chat GPT, qui sait tourner les phrases, toute une histoire est ainsi élaborée sur ces txalaparta faites de bois flottés et leur pratique par les baleiniers basques sur les plages d’Islande. Victor Shepardson, qui travaille avec Thor Magnusson, explique : « Bien sûr, c’est tout à fait fantaisiste, car personne n’a jamais témoigné de telles pratiques. Mais nous avons tenté l’expérience concrètement en allant sur une plage, au milieu des déchets de pêcheries, jouer de la txalaparta avec des bois flottés de Sibérie. On s’est bien amusé ! »
L’expérience txalaparta & IA présenté en clôture du festival Haizebegi#11 laisse encore de la place à la recherche dans ce domaine. Nourrie d’enregistrements de txalaparta, d’analyses, de lectures et de sons de musiciens pratiquant l’instrument, l’IA devrait pouvoir répondre à la manière du deuxième joueur interagissant avec le premier lorsqu’il joue. Du moins c’est le but que se sont fixé les chercheurs du laboratoire de Thor Magnusson.
La présentation du duo txalaparta / IA à laquelle nous avons assisté à Passaia montrait que les recherches sont encore loin d’avoir abouti. Mais restons attentifs, car elles pourraient bien un jour parvenir à leurs fins. Qu’adviendra-t-il alors du jeu de la txalaparta ?…