Communiqué
Décès de Bruno Latour
Le sociologue et anthropologue Bruno Latour s’est éteint ce samedi 8 octobre en début de soirée. Spécialiste de sociologie des sciences et analyste très influent de la mutation climatique, Bruno Latour a construit une œuvre considérable qui lui a valu le prestigieux prix Holberg en 2013, puis le prix Kyoto en 2021. Bruno Latour était, selon le New York Times, « le plus célèbre et le plus incompris des philosophes français » (25 octobre 2018).
À Bayonne, à ce même moment, dans le cadre de la Fête de la Science, Bruno Latour aurait dû, avec son épouse Chantal, animer un atelier du festival Haizebegi sur la façon dont la relation au monde sonore peut agir sur nos affects. Selon lui, une attitude juste par rapport au défi environnemental ne peut venir ni de la science, ni des appareils technocratiques, mais de la capacité de chaque être humain à être affecté, et à se sentir concerné. L’urgence est donc de travailler sur nos émotions. De ce point de vue, l’écoute peut être un outil privilégié.
Chantal et Bruno Latour n’ont pas pu nous rejoindre ce samedi. Pour autant, nous n’avons pas renoncé. Talia Bachir-Loopuyt et moi-même avons improvisé un atelier « à la manière de », avec un public concerné qui a pris une part active à ce qui est devenu une forme d’hommage. Chacun proposa l’écoute d’un son, puis expliqua pourquoi ce son pouvait nous affecter. Les échanges furent d’une grande richesse, surprenants souvent, comme un témoignage de la capacité de Chantal et Bruno Latour à créer des situations inédites et à provoquer de l’inattendu là où l’on pouvait croire que tout avait été dit et que rien d’inédit ne pouvait plus survenir.
La dernière intervenante proposa de faire écouter l’aria de la Passion selon saint Matthieu de Bach, Erbarme dich, avec l’incipit du Sacrifice d’Andreï Tarkovski en arrière-plan, et la relation à l’arbre. Il était 19 heures. A ce moment, Bruno s’endormait paisiblement à Paris.
Le projet-même du festival Haizebegi s’inscrit dans la pensée transversale et généreuse de Bruno Latour, tout occupé à construire des liens et à provoquer des rencontres inattendues, depuis l’exposition Iconoclash de 2002 au ZKM de Karlsruhe jusqu’aux discussions interminables qui, à fréquence régulière, réunissaient penseurs, artistes, activistes et artivistes dans l’appartement accueillant de la rue Danton.
Le festival Haizebegi présente ses condoléances et dit sa très affectueuse amitié à son épouse, Chantal, à leurs enfants, Chloé et Robinson, et à leurs petits-enfants.
Denis Laborde, directeur artistique
9 octobre 2022