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  /  Le journal du festival   /  Focus – Cérémonie d’ouverture : l’Ukraine chante sa lutte

Focus – Cérémonie d’ouverture : l’Ukraine chante sa lutte

A l’occasion de l’ouverture du festival Haizebegi, l’actualité ukrainienne était à l’honneur. La conférence de Hamit Bozarslan, sur la lutte pour la démocratie qui se joue en Ukraine, a introduit le concert de chants polyphoniques du duo Kurbasy.

« Le peuple ukrainien se bat en chantant. » Pour l’ouverture du festival, l’Ukraine se dévoile, au carrefour entre chants ancestraux et réflexions sur l’actualité d’un pays en guerre. La conférence de Hamit Bozarslan et le concert du duo Kurbasy s’y font écho. Ils donnent à voir la lutte d’un « peuple qui se bat le chant au bout des lèvres ».

Yves Ugalde, adjoint à la Culture de Bayonne, Edgar Nicouleau, directeur du CRR de Bayonne, Denis Laborde, directeur du festival Haizebegi lancent sa dixième édition – photo Yona Bernadas

Double aveuglement

Venu présenté son dernier ouvrage, Ukraine, le double aveuglement, Hamit Bozarslan s’est penché sur les soubassements de la pensée politique russe contemporaine tout autant que sur les échecs des démocraties occidentales. L’historien et politologue dépeint à la fois les mécanismes du pouvoir « gothique, de morts-vivants » de la Russie poutinienne et la cécité des puissances occidentales, aveuglées par l’illusion d’une « mission démocratique achevée », depuis le démantèlement de l’URSS.

Le travail de Hamit Bozarslan a le mérite de recentrer la question ukrainienne autour des concepts de démocratie et anti-démocratie, délaissant les obsolètes prismes Nord-Sud ou Orient-Occident. La détermination ukrainienne, qu’incarne Volodymyr Zelensky, s’y teinte d’une nouvelle nuance, celle d’une lutte non pas seulement pour l’indépendance, mais pour le maintien d’une démocratie balbutiante.

L’équipe du festival Haizebegi célèbre une décennie d’aventures festivalières – photo Yona Bernadas

Chants de la Forêt ukrainienne

Créé en 2008 par Mariia Oneshchak et Nataliia Rybka-Parkhomenko, le duo Kurbasy tire son nom de la troupe de théâtre post-moderne et avant-gardiste Les Kurbas, de Lviv (Ukraine), dont elles sont issues. Actrices et chanteuses, leurs performances mêlent habilement des instruments variés, des accords polyphoniques et quelques sonorités indiennes, au son de la shruti-box.

Composée en 2020, le spectacle présenté jeudi soir est le fruit des restrictions sanitaires de la Covid-19. Confinées ensemble dans la maison de Mariia, aux abords d’une forêt, les circonstances ont amené les deux artistes à composer une œuvre inspirée des chants traditionnels de différentes régions ukrainiennes et de l’univers de la forêt. Entre jeux de silence, polyphonie ou encore tintements féériques, Mariia et Nataliia proposent une immersion dans le folklore ukrainien.

Temps de discussion

Les deux artistes révèlent une œuvre protéiforme, à chemin entre la berceuse et les tonalités héroïques, voire dramatiques. Mélancolie et douceur se joignent aux gazouillis des oiseaux et à un imaginaire poétique virant à l’épique.

Introduite dans un cafouillis babélien, de paroles parlées et superposées, la performance invite le public à la discussion, dès ses premiers instants. A travers les différents chants, les voix s’harmonisent, parfois s’interposent, entre accords et désaccords, et portent en elles toute la pluralité des voix d’un peuple bâillonné.

Le Duo Kurbasy interprète des chants de toutes les régions d’Ukraine – photo Yona Bernadas

Transmission

En fin de compte, c’est un temps de méditation qui est proposé. La pièce tire sa qualité de sa force réflexive. Elle transporte et donne à penser. L’exploration musicale qui s’y développe joue des temporalités. A cheval entre héritages ancestraux et actualité brûlante, elle est le vecteur d’une double transmission. Transmission à la fois des anciennes générations ukrainiennes aux plus jeunes, mais aussi de deux artistes émissaires à leurs publics basque et français. Le duo parvient ainsi à adroitement représenter la diversité foisonnante de la culture ukrainienne, tout en portant la voix d’un peuple en lutte, depuis l’étranger.

Jérémy Casaux