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Rencontre avec Stéphane Hadjeras

Historien et boxeur, Stéphane Hadjeras échange sur les archives dans le sport, les mutations du monde de la boxe et sur son récent ouvrage, Georges Carpentier : l’incroyable destin d’un boxeur devenu star.

— Qu’est-ce qui vous a motivé à entreprendre ce projet de thèse autour de la figure de Carpentier ?

Stéphane Hadjeras : C’est, je pense, comme tout projet de recherche, il faut qu’il soit motivé par une passion. J’ai une passion pour la boxe que j’ai développée depuis l’adolescence. J’ai fait un peu de boxe et derrière je me suis toujours intéressé à l’histoire de la boxe, à travers notamment les autobiographies de boxeurs que je lisais ou les récits de journalistes.

Stéphane Hadjéras

En 2010, j’ai eu envie de reprendre la recherche alors que j’avais mon poste d’enseignant dans le secondaire. L’idée me trottait déjà dans la tête, aussi parce qu’en même temps j’avais repris la boxe. J’avais amené mon fils à la boxe et j’avais repris les entrainements pour pouvoir le suivre. Je commençais aussi à m’impliquer dans le bureau de la salle de boxe. J’ai pris les fonctions d’abord de secrétaire, puis je suis devenu le président du club. J’ai eu envie de faire de la recherche historique sur la boxe. Et en fait c’est mon futur directeur de recherche qui m’a suggéré et aiguillé sur Georges Carpentier. Lui est spécialiste de l’Histoire du football. Dans ses recherches il rencontrait beaucoup justement Georges Carpentier. C’était une omniprésence dans la presse de la Belle Epoque. Une figure qui était extrêmement présente.

Je connaissais, bien sûr, Georges Carpentier en tant que passionné de boxe. C’est le premier champion du monde de l’Histoire en France et il a fait un gigantesque combat en 1921, qui a marqué l’imaginaire. Championnat du monde des lourds. Il a été aviateur pendant la Première Guerre mondiale. C’est vraiment un personnage intéressant, un personnage de la grande Histoire. Il apparaissait au début du sport-spectacle. Et lors de mes premières recherches sur Georges Carpentier, je me suis rendu compte qu’il y avait un vrai sujet de thèse derrière et je me suis pris de passion pour ce travail.

Georges Carpentier le livre

— Qu’est-ce qui change pour la boxe au moment où Carpentier arrive, en parallèle de l’éclosion du système-star ?

Stéphane Hadjeras : Carpentier est intéressant parce qu’il est au début de ce que j’appelle la visibilité. La célébrité ça existe déjà, l’historien Antoine Lilti a travaillé sur l’invention de la célébrité depuis le XVIIIe siècle, avec des figures comme Rousseau ou Voltaire. Mais avec Carpentier au début du XXe siècle, c’est la visibilité. C’est-à-dire qu’on peut être célèbre sans être reconnu dans la rue. Avec Carpentier, on va être célèbre et reconnu dans la rue. Ça change pas mal de choses, notamment le phénomène des fans.

Ce qui m’avait frappé dans mes premières recherches justement ce sont les unes de journaux à la Belle Epoque. On n’a pas encore inventé le procédé offset, qui permet la multiplication des photographies. On a des photos, dans quelques journaux, mais pas tant que ça. Et on a des unes de presse, des grands journaux de l’époque, avec exclusivement la photo de Carpentier. J’avais travaillé sur le Petit Comtois, un journal de Franche-Comté, et l’Ouest Eclair – que l’on trouve sur Gallica – qui est sur un combat célèbre de Carpentier, le 1er juin 1913, où il devient champion d’Europe des poids lourds. En fait, le lendemain, dans la presse, en une, on n’a que sa photo. Il n’y a rien d’autre. Il y a du texte, plein de texte, mais rien d’autre. La une c’était la photo de Georges Carpentier. Et dans les grands journaux parisiens, c’était la même chose. Donc, c’est normal qu’on le reconnaisse. Il n’a que 19 ans.

Georges Carpentier sur le ring de son camp d’entraînement à Manhasset en 1921 –  image Gallica BNF

— En quoi consiste votre travail à la Fédération française de boxe (FFB) ?

Stéphane Hadjeras : La FFB, c’est très récent. On a mis en place un Comité Histoire. Avec le président, Dominique Nato, qui est sensible à l’histoire de la boxe. L’idée est de valoriser le patrimoine et les archives de la FFB. C’est une fédération qui existe depuis 1903 et c’est un vrai héritage historique. Derrière, comme toutes les fédérations sportives – ce n’est pas propre à la boxe – dans le sport on a plutôt tendance à penser au présent où à l’avenir. L’objectif est le concret, l’immédiat, faire du résultat. Le patrimoine, l’histoire du sport ce n’est pas si important que ça. On les relègue dans les caves parfois. Quand j’ai commencé ma thèse de doctorat, je suis allé voir la FFB et ils m’ont clairement dit qu’il n’y avait rien, pas d’archive, que tout avait été brûlé. Heureusement, le nouveau président avec qui j’ai sympathisé, était plus sensible à l’Histoire, et à partir de là on a réfléchi à la mise en place d’un Comité Histoire, pour valoriser ce patrimoine. Parce que la boxe c’est une grande histoire.

Propos recueillis et retranscrits par Jérémy Casaux