Rencontre avec Zohra
Pour son premier concert depuis l’exil, l’orchestre féminin Zohra joue un répertoire à mi-chemin entre traditions afghanes et influences occidentales. La jeune trompettiste afghane prénommée Zohra, qui a rejoint l’aventure avec sa cousine, se confie.
— Quel a été le processus de sélection des musiques qui seront interprétées ce soir ?
Zohra : Des musiques que nous jouerons, l’orchestre [Zohra] en jouera 8. Il y a aussi un petit orchestre, où ils joueront quelques autres musiques. Au total il y en aura 14. Quelque chose comme ça. Nous jouerons donc 8 musiques afghanes et une de Disney, celle de Raiponce.
— Pourquoi ce choix ?
Z. : Au moment de choisir les morceaux, les professeurs nous ont proposé de choisir un morceau, n’importe lequel, qui soit fun. Du coup nous avons choisi “La Danse au royaume”, de Raiponce. C’était une suggestion d’un des élèves et tout le monde a accepté.
— Et les autres morceaux ont été choisis par vos enseignants ?
Z. : C’était aussi un choix des élèves. Les professeurs nous ont seulement demandé quels morceaux nous souhaitions jouer. Et les élèves ont voté pour les morceaux, ce que nous jouerons. Les élèves ont pu choisir tous les morceaux. Au début nous avions décidé de jouer 9 morceaux, mais nous n’en avons pas eu le temps. Il y a deux orchestres différents. Avec les mêmes personnes, mais il y en a un avec celles et ceux qui pratiquent depuis longtemps, depuis plusieurs années. Il y en a d’autres qui apprennent depuis assez récemment, donc avec une maîtrise qui n’est pas parfaite. C’est aussi pourquoi nous n’avons pas eu le temps de jouer les 9 morceaux prévus initialement pour l’orchestre complet. Nous avons préféré qu’un petit groupe en joue quelques-uns en première partie.
— Il y a certains écarts de niveau entre vous toutes. Quelles sont les raisons pouvant l’expliquer, au
sein de l’orchestre complet ?
Z. : Parce que nous sommes de jeunes étudiantes, nous avons besoin de beaucoup de pratique. Ma collègue trompettiste par exemple – nous sommes deux trompettistes – est française. Elle souhaitait jouer avec nous, mais elle a commencé la trompette il y a plusieurs années. Nous n’avons pas le même niveau. Au Portugal il n’y a pas d’instrument traditionnel afghan. Ce qui fait que certaines d’entre nous ont dû apprendre un nouvel instrument, le pratiquer quelques mois seulement, ce qui rend difficile de se joindre à l’intégralité de l’orchestre.
— Certaines élèves parviennent-elles tout de même à pratiquer des instruments traditionnels afghans
au Portugal ?
Z. : Certaines étudiantes ont pu emporter leurs propres instruments [en quittant Kaboul]. Personnellement, je n’ai pas eu cette possibilité. Ma cousine et moi sommes les dernières étudiantes/i à avoir quitté l’Afghanistan. Les autres ont pu prendre leurs propres instruments avec eux.
— Quel a été votre parcours d’apprentissage ?
Z. : J’ai commencé la musique quand j’avais 10 ans. J’en ai maintenant 14. C’est mon oncle qui a suscité mon intérêt pour la musique. Pour différentes raisons, il n’avait pas pu lui-même avoir la chance d’apprendre à pratiquer un instrument. Mais, il y a de nombreuses années, quand nous étions encore jeunes, il a appris qu’il y avait une nouvelle école de musique, où ma cousine et moi pouvions nous rendre. Il a d’abord proposé à ma cousine d’y aller, et elle a accepté. Elle est violoniste. Je suis la deuxième à y être allée après ça. J’ai étudié jusqu’à la quatrième année, puis commencé la cinquième, en tant que trompettiste. Nous avons eu le temps de terminer cette cinquième année mais quand nous avons commencé la sixième, les talibans sont arrivés et nous n’avons pas eu la chance de continuer.
— Pouvez-vous nous expliquer le choix du nom de l’orchestre ?
Z. : L’orchestre a été créé en 2014. Le nom a été choisi par le Dr. Sarmast. Zohra est le nom de la deuxième planète du système solaire. C’est Vénus. Je pense que c’est pour ça que quelques fois le Dr. Sarmast nous appelle « Les filles du Soleil ». C’est astral comme nom. Il y a aussi une musique afghane qui s’appelle Zohra. « Salut Zohra. Je suis l’étoile dans le ciel… » [commence-t-elle en chantant].
Propos recueillis par Yona Bernadas et retranscrits par Jérémy Casaux