Rencontre avec Aurélien Gignoux
Aurélien Gignoux, 25 ans, soliste au sein de l’Ensemble intercontemporain était élu Révélation des Victoires de la Musique classique en 2021. Durant sa formation au conservatoire, il a joué au sein d’orchestres majeurs, travaillé avec des chefs de renommée internationale, a reçu de multiples prix internationaux. Il évoque sa relation à la musique et aux percussions.
— Pour votre récital au festival Haizebegi, vous interprétez Rapport d’étape de Jean-Pierre Drouet, Tribes de Christian Lauba, Rebonds A et B de Iannis Xenakis, et S2 de Marc Andre. Pourquoi ce choix ?
Aurélien Gignoux : La pièce de Marc Andre m’a été suggérée par Denis Laborde. J’avais déjà travaillé avec Marc Andre mais pour une pièce d’ensemble, et je suis content de découvrir sa musique de manière soliste. Les autres pièces sont des œuvres que j’ai déjà jouées. Les Rebonds de Xenakis sont des monuments de la percussion, parmi les pièces solistes peut-être les plus jouée ou en tout cas les plus importantes.
Ensuite je voulais amener différentes familles d’instruments. La pièce de Christian Lauba pour marimba, très virtuose, s’inspire de rythmes africains. Elle a aussi quelque chose de très méditatif. Jean Pierre Drouet est un immense percussionniste, improvisateur et compositeur. Je joue sa pièce pour aquarium et petits instruments, qui relève un peu du théâtre musical. Très poétique donc, ce qui montre que la percussion ne consiste pas uniquement à taper, c’est aussi plein de fantaisie et de sons inouïs.
— Quelles sont les percussions que l’on retrouve dans ces quatre pièces ?
Aurélien Gignoux : Un peu toutes les grandes familles de percussions. Instrument à clavier : le marimba avec ses lames de bois. Instruments à peaux, pour la pièce de Xenakis, grosses caisses, toms, bongos, woodblock. Pour une autre pièce, il y a aussi des timbales, mais sur lesquelles sont posés des gongs, instruments en métal, la troisième grande famille : gongs coréens, triangles, bols japonais et tibétains, cloches en plaques. Et il y a un petit ovni : un aquarium avec un petit condensé de toutes ces familles d’instruments à l’intérieur, grelots, petites cymbales, une sirène à bouche, et plein de poésie !
— Vous savez jouer une multitude d’instruments à percussion. Par quoi avez-vous commencé ?
Aurélien Gignoux : Souvent on commence par des baguettes, et on tape sur une caisse claire, un tambour. Un peu ce qui est relié au monde de la batterie. On fait ensuite des claviers, souvent le xylophone. Et on poursuit avec les timbales. Ce sont les trois pôles principaux. Plus on avance en niveau, plus on découvre les instruments. Ce qui est chouette, c’est qu’on n’a jamais vraiment fini de découvrir les instruments à percussions. Tout est instrument de percussion ! Je joue par exemple une sirène à bouche, et je me sers même de l’eau comme instrument. On en découvre tout le temps.
— Est-ce que vous composez vous-même ?
Aurélien Gignoux : Non je ne compose pas, mais je fais de l’improvisation. J’ai la chance de pouvoir travailler avec des compositeurs vivants, de pouvoir échanger directement à la source avec eux. En tant qu’interprète, on va essayer de mieux transmettre leur musique, de trouver l’essence de ce que veut dire le compositeur, et de le mettre en pratique. Le répertoire de la percussion est en train de se développer. La percussion solo c’est très récent, on n’a pas du tout le même répertoire que les violonistes ou les pianistes. J’aime beaucoup travailler avec les compositeurs d’aujourd’hui pour pouvoir faire évoluer l’instrument, et la musique autour de la percussion.
— Vous avez parlé d’improvisation, de quelle sorte ?
Aurélien Gignoux : Improvisation est un mot valise. J’improvise un peu dans les styles qu’on me propose, dans lesquels j’aime évoluer. J’aime beaucoup le jazz bien sûr, mais j’aime aussi improviser avec les sons, ce qu’on appelle l’improvisation générative, qui est liée avec les sons contemporains. J’aime aussi improviser avec la musique traditionnelle. En fait c’est plus un langage, un outil pour pouvoir dialoguer, qu’une spécificité de style.
— Selon vous, quelle qualité fait un bon percussionniste ?
Aurélien Gignoux : Je dirais que c’est l’écoute. Mais c’est général à tous les musiciens. Plus spécifiquement pour les percussionnistes ce serait la capacité d’adaptation. J’ai passé un après midi à découvrir des instruments, à essayer de trouver ce qui marche le mieux dans l’acoustique du lieu, avec les instruments qui sont proposés. C’est vraiment spécifique à la percussion. Il y a tellement d’instruments qu’on ne peut pas tous les avoir avec soi. Donc avoir la capacité de s’adapter facilement et rapidement, c’est à mon avis une des clés pour être un bon percussionniste.
— Qu’est-ce qui vous attire dans les musiques contemporaines ?
Aurélien Gignoux : C’est le rapport avec les compositeurs d’aujourd’hui, qui est exceptionnel. Quand on joue Brahms ou Mozart, combien d’interprètes rêveraient d’échanger cinq minutes avec eux ? C’est excitant de se dire qu’on a entre les mains la musique du futur. Qu’on découvre les choses avant les autres. Et c’est merveilleux si on peut les transmettre.
Propos recueillis par Marie Le Diraison